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Dans les bouchons - Et pourtant ça tient !


Et poutant ça tient ...

 

Chacun fait ce qu’il veut…

 

Comment peut-on imaginer que ceux qui se sont jetés au cœur de ce trafic puissent sortir vainqueurs et satisfaire l’infinie variété des objectifs qui sont les leurs.

Certains se rendent à leur domicile, d'autres en sortent. Une large majorité rejoint leur travail. Des amis se déplacent ensemble à la rencontre d’autres amis qui ont choisi de faire le chemin séparément. Certains vont au supermarché et croiseront ceux qui ont pu s'en extraire. D'autres encore, habitués aux transports en commun, auront justement décidé aujourd'hui de prendre leur vélos, scooters, d'emprunter la voiture d’un ami afin de se rendre au garage le plus proche pour récupérer la leur. Las du trafic, une minorité aura pris le bus et en descendra au premier arrêt venu pour rejoindre la gare la plus proche. Il ne s'agit pas d'une foule dont la conduite est ordonnée de l'extérieur mais plutôt d'un groupe d'individus dont les objectifs pourtant différents les ont conduits à s'assembler de manière bien involontaire sur une portion étroite de la chaussée. Ils ne se préoccupent pas d'ailleurs d'en occuper rationnellement l'espace. Plus partiaux qu'égoïstes, ils cherchent, dans un même élan, à maximiser leur progression et à rendre compatible la poursuite de leur intérêt avec les contraintes que la présence des autres leur oppose. Les objectifs qu'ils poursuivent sont donc multiples et les moyens mis en œuvre pour en satisfaire la réalisation le sont tout autant. Et pourtant, alors que personne ne dicte à quiconque la meilleure façon de régler sa conduite sur celle des autres, ils réussiront tous à en combiner l'infinie variété et à satisfaire leurs attentes.

 

Et pourtant ça marche !

 

Les véhicules se croisent, s’entrecroisent, se défient, zigzaguent, freinent ou forcent le passage mais le trafic ne se fige pas et les véhicules poursuivent de s'accorder les uns avec les autres. La congestion totale du trafic devrait être la règle alors qu’elle est l’exception. Si chacun signale sa présence à l’autre bruyamment et de manière ostentatoire ou au contraire de manière feinte, personne en revanche ne dicte à quiconque ce qu’il faut faire ou n’est là pour dire à l’ensemble où et quand avancer où et quand céder le passage. Chacun décide dans l’instant, tablant de proche en proche sur ce que l’autre fera. Sans régulation centrale, abandonnée à une myriade de décisions individuelles, la circulation forme un flux suffisamment efficace pour donner une solution de passage à ceux qui s'y ruent. A l'exception de quelques soubresauts, le trafic perdure et acquiert même une fluidité étonnante. Localement, l'écoulement du trafic répète inlassablement certaines configurations reconnaissables dont certains tirent avantage pour accélérer leur progression. Globalement, même si les contours irréguliers du trafic évoluent, le trafic est contenu dans l'espace et l'entrelacs des véhicules conserve son identité en dépit de son incessant renouvellement. Il se construit et s’établit par ajustements successifs. Il se replie souvent ou s’exagère parfois mais jamais il ne se congestionne totalement alors que ceux qui en règlent la dynamique ne se connaissent pas, ne se parlent et affichent même pour l’autre toutes les apparences de la plus parfaite indifférence. Aucunes réunions préalables ne les ont rassemblées pour définir les modalités de leur collaboration future, aucunes tribunes ne les ont réunies pour se concerter et délibérer sur la meilleure façon de progresser ensemble, aucuns débats pour s'entendre sur le bien fondé de leurs attentes. Ils restent indifférents les uns aux autres, font ce qu'ils veulent et pourtant ... et pourtant ça marche.

 

Sans plan ni programme

 

Disposer en pareille circonstance d’une information sur l’évolution du trafic est une idée qui ne manque pas d’attrait. Ceux qui en disposent en espèrent un avantage pour anticiper le comportement de ceux avec lesquels ils se coordonneront. Un formidable marché répond à cette demande. Celui des panneaux d’information, de la météo routière auquel viennent s'associer, tour à tour, Bison Futé, le flash info, le GPS et les réseaux sociaux. Cet arsenal informationnel se propose donc de donner une représentation spatiale complète des coordinations actuelles ou futures. Maintenant, la portée de cet avantage reste limitée. Si vous vous joignez au trafic, vous ajoutez une composante avec laquelle les autres devront composer par le simple fait que ce que vous déciderez de faire influencera en retour ce que les autres feront et vice et versa. La façon dont vous conduisez dépend de celle dont les autres conduisent. Votre vitesse dépend de l’arrêt d’autres véhicules, votre arrêt implique que d’autres aient pris votre créneau. Nous réagissons à un environnement composé de réactions d’autres gens. Le premier problème à résoudre pour un automobiliste est qu’il est un élément du problème. Comment pourrait-il, en surplomb d’un flux dominé par la complexité d’une myriade de réactions réciproques parfaitement imprévisibles tenir avec succès une décision indépendante de la décision des autres. Personne ne saurait par ailleurs calculer toutes les anticipations des personnes avec qui chacun se rapporte. 

Disposer ou non de cet avantage sur le trafic ne fera au final aucune différence. Les automobilistes se bornent à sélectionner les pratiques qui réussissent et délaissent très vite les promesses prises aux sources de l’info routière. Les informations les plus utiles qui supportent le plus efficacement la progression des automobilistes ne proviennent d'aucunes instances centrales et expertes qui en agrègeraient la complexité. Bien au contraire, la connaissance dont nous faisons usage dans ces situations n'est pas complète et centralisée en un lieu unique mais plutôt partielle et dispersée dans le réseau de relations du flux autoroutier. Autrement dit, c'est dans l’instant de la relation et de proche en proche que chacun tire de sa pratique, de son expérience et de son talent la meilleure façon de régler sa conduite sur celle des autres et cela sans plan, ni programme. On peut s’en étonner mais ces ajustements adaptent des automobilistes à des problèmes complexes dont personne ne dispose de vision complète ou ne sait à l’avance à quoi ressemble une décision qui marche.

 

Un problème de coordination

 

La façon dont les automobilistes se rapportent les uns aux autres forme une solution à un problème de coordination. Or, il n’y a aucune certitude que la solution à laquelle parviennent quotidiennement les automobilistes soit systématiquement la bonne ou la plus efficace pour satisfaire leurs attentes. Dans l’incertitude du trafic, la réalisation des objectifs de chacun se trouvera nécessairement limitée par un environnement composé lui-même de gens résolus à réaliser les leurs. Certains résultats seront heureux d'autres désastreux. Mes amis m'auront attendu longtemps, le supermarché aura fermé ses portes sans attendre ceux qui se proposaient de s'y rendre. La façon dont chacun se rapporte les uns aux autres peut donc contribuer à me placer dans une situation qui ne me sera pas nécessairement favorable. Le profit que chacun tire des échanges auxquels il s'est bien involontairement prêté peut ne pas correspondre aux efforts déployés. Chacun aura-t-il été payé en contrepartie des efforts déployés ? Chacun a-t-il pu satisfaire son objectif de manière équilibrée entre le temps qu’il supposait investir et celui réellement investi, entre le prix anticipé du déplacement et celui dont il s’est réellement acquitté ? Est-il arrivé en avance au travail ou a-t-il vu son revenu baisser parce que son retard a été décompté de sa durée journalière de travail ? Le temps consacré à franchir le carrefour aurait-il pu être mieux investi ou encore être consacré à sa famille, dévolu à ses enfants, à une activité sportive ou à une activité rémunératrice ? Il n'y a pas dans cette affaire à attendre que les efforts produits soient payés en retour de réciprocité de la part de ceux avec qui s'établissent les échanges. Les décisions prises ne sont pas motivées pour rechercher un bénéfice mutuellement profitable. L'équilibre des échanges se fonde sur la rencontre de chacun partant de ses intérêts. Il n'y donc pas de justes compensations à escompter au terme des décisions car les échanges se nouent sur un principe de coïncidence et non de réciprocité. Un équilibre des échanges peut naître au même titre que plusieurs équilibres sont toujours possibles. Il n'y a pas dans cette affaire de contrat. Un équilibre se forme au sein d'un contrat parce que les termes qui fixent le devenir des interactions ont été établis pour harmoniser les décisions des contractants. Le contrat établit les concessions réciproques, la visée du contrat et les conditions de son exécution sont connues. Dans les situations qui nous préoccupent, il y a une énorme différence entre ce que les automobilistes pourraient consentir à accomplir ensemble, s'ils prenaient le temps d'en discuter, et ce qu’ils font réellement et obtiennent en retour. Il n'y a rien d'étonnant à cela car, en pareilles circonstances, aucunes concessions réciproques n'ont été préétablies aux fins d'un résultat conforme à la volonté de tous. L'effort dont chacun s'est acquitté ne fait l'objet d'aucune entente. Nous sommes dans l'immédiateté des échanges et personne ne décide de leurs équilibres. Chacun pourrait préférer perdre moins de temps, changer de place au sein de la file des voitures pour obtenir un équilibre des échanges très différent que d'autres pourraient souhaiter encore différent. Chacun partant de son intérêt, les décisions individuelles sont bien intentionnelles mais peuvent générer des effets collectifs non voulus. Peu importe, bien ou mal, le système réussit. Car les règles que les automobilistes pratiquent relèvent de ces interactions locales qui, se combinant les unes aux autres, parviennent à résoudre des problèmes que nous ne saurions mieux résoudre autrement. A bien y réfléchir, les résultats obtenus ne sont pas plus mauvais que ceux auxquels nous assistons lorsque chacun est censé savoir ce qu’il doit accomplir. Bien sûr, nous pourrions nous demander s’il existe d’autres façons d’organiser des personnes qui poursuivent leur intérêt ou s’ils existent de meilleurs systèmes pour combiner une multitude de décisions décentralisées hors de toute autorité centrale. 

 

Accroître ses chances d’être emmerdé

 

De nombreux dispositifs existent ainsi pour réguler le nombre de véhicules aux entrées du carrefour. Les feux tricolores cadencent avantageusement le flux amont délivrant, à intervalles réguliers, un droit d’accès aux uns et une interdiction aux autres. Des informations régulières, placées en amont de chaque voie, orientent le flux vers une voie de délestage destinée malheureusement à être rapidement saturée par un flux routier devenu subitement inhabituel. Certains dispositifs régulent le prix d'accès aux voies routières en fonction de périodes hautes ou basses de la journée jouant ainsi de manière efficace pour encourager ou dissuader les automobilistes de les emprunter. Afin d'harmoniser le flux routier, le regroupement de certains véhicules sont favorisés par l'existence de couloirs destinés aux vélos, aux bus, aux véhicules prioritaires. Parmi quelques innovations, certains péages offrent désormais un rabais aux véhicules dont le nombre de passagers est supérieur à 2 ou à 3. Plus avant, nous pourrions imaginer des dispositifs de péage dont le prix de passage serait tel qu’il sélectionnerait quelques happy few seuls capables d’échanger de l’argent contre du temps. Plus imaginatifs encore, d'autres moyens de régulation du trafic pourraient également être imaginés selon le type de conduite - sportive ou poussive -, la taille des passagers, leur sexe, la présence d'un filtre à particules, la propriété paire ou impaire de l'immatriculation. Quelque soit le bien fondé de ces dispositifs, ils garantissent à des personnes dispersées qui de surcroît ne communiquent pas entre eux de surmonter leurs divergences. Ces dispositifs sélectionnent des solutions qui les aident en quelque sorte à accomplir des choses qu’individuellement ils ne feraient pas mais dont la pratique produira des résultats qui apparaîtront collectivement avantageux. Maintenant, leur usage n'ira pas sans créer certains effets indésirables ? Tous retireront de ces expériences le sentiment d'une restriction, d'avoir été empêchés de rouler continûment, d'avoir perdu un temps considérable, d'avoir dû conjuguer, composer, renoncer. Par ailleurs, le prix des aménagements mis en place pour accorder les intérêts individuels avec une solution de nature collective sera toujours d'un montant sans commune mesure avec celui constaté lorsque les échanges sont laissés libres de s’établir sur la base de simples règles de composition. En outre, ces régulations externes au trafic, pourtant souhaitées, réclamées, voire plébiscitées, seront immédiatement dénoncées lorsqu’elles apporteront leur lot de nouvelles restrictions qui appelleront d'autres aménagements et bien d'autres encore dans une sorte de spirale infernale désormais auto-entretenue.

 

Se tromper avec la foule

 

Que la satisfaction des attentes que chacun retire de ses échanges soit bonne ou très mauvaise, elle sera de toute manière qualitativement très différente de la satisfaction globale ressentie collectivement. Prendre son véhicule et délaisser les transports en commun accroît inévitablement le nombre de véhicules. Doubler, freiner, faire une offre de passage ou la refuser, tarder pour se ranger aura un retentissement sur l’allongement du temps d’attente des véhicules avec lesquels chacun se rapporte. Dans l’ensemble, les automobilistes seront exposés plus longtemps à un stress et à une pollution dont les effets auraient pu être atténués si chacun s’était discipliné. Les automobilistes au final sont exposés à un système très déséquilibré où les pertes qu’ils subissent sont ignorées de ceux qui les infligent. Parce que certains tordent une règle, font défection à une offre, tardent à obtempérer, des accidents surviennent occasionnant l'intervention de la police, des services d’urgence, des pompiers, des services de la voirie. Qui en sera de sa poche ? Les coûts seront-ils mutualisés impactant de fait une franche de la population qui n’emprunte pas cette portion de voie ? Au contraire seront-ils directement supportés, sur le champ, par ceux qui se sont rendus responsables d’accidents ? Chacun ainsi peut tirer avantage d’une décision mais se causer mutuellement des pertes dont les conséquences collectives seront bien supérieures. Il va de soi que tous peuvent ensuite être en accord avec le résultat que collectivement ils ont contribué à faire émerger. Le plus souvent ce sera le cas mais parfois ils en déploreront les effets ou en dénonceront les méfaits sans même supposer en être à l’origine. Il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement car aucun programme, aucune volonté, aucun dessein n’accorde les actions individuelles à la réalisation d’un projet collectif. Il n’y a aucune raison à cela pour la simple et bonne raison que personne n’en a formé le projet. On peut maintenant s’en désoler, mais il n’y a aucune garantie que cet entrelacs de décisions, menées de proche en proche, au jugé, aboutissent, dans le temps et l’espace, à une répartition collective satisfaisante dénuée de conséquences dommageables. Maintenant, les problèmes auxquels nous nous attaquons sont énormes. Leurs trouver une solution même incomplète relève déjà de l’exploit.

 

Un ordre spontané 

 

Ces problèmes d’encombrement sont merveilleux. Ils sont de parfaites illustrations de ce que des groupes humains peuvent parvenir à faire ensemble sans pour autant se connaître, communiquer leur accord ou même s’aimer. Ce système d’interactions donne naissance à un ordre. L’ordre résulte de la somme des interactions locales. Il est un effet de la composition de comportements individuels entretenus localement qui se répondent. Chacun réagit au final au comportement de l’autre et vice et versa. Les comportements, les attitudes, les activités sont contingentes et dépendent de ce que l’on anticipe du comportement de l’autre. L’ensemble dresse ainsi le portrait d’un monde au sein duquel la réussite des uns dépend de ce que font les autres. Cela marche parce que la réussite de tous dépend de la garantie apportée à chacun de parvenir à ses fins et de satisfaire leur besoin. Pour une large part, nous nous comportons comme nous espérons que l’autre se comportera à notre égard. La règle d’or constitue la racine de ces conduites dont on trouve de nombreuses déclinaisons. Mais quelles sont donc ces formes générales de conduite qui lorsque que nous les mettons en œuvre ont la propriété de conduire à la constitution d’un ordre ? Premièrement, elles sont d’un nombre extraordinairement plus limité que l’infinie variété des objectifs poursuivis par ceux qui les mettent en application. Elles tendent à limiter l'éventail des comportements possibles d'un individu et à les intégrer dans une organisation sociale dont le fonctionnement ne fait pas l'objet de discussions perpétuelles.

Observons. Des petits groupes se forment au seuil du carrefour. Une grappe de véhicules se forme et parvient à se désolidariser du chapelet de véhicule. Cette grappe force le passage, obtenant des véhicules venant à leur gauche qu’ils s’arrêtent. Maintenant, le flot de véhicules empêchés s’autorisent à passer. Une règle simple prévaut. Si je laisse passer, j’entends passer à mon tour et laisserai passer au tour suivant. Alternativement, le chapelet de véhicules laisse échapper une grappe de voitures auquel succédera une autre grappe. Combien de véhicules forment une grappe, à quel rythme se détache-t-elle du chapelet ? Simple. De manière suffisamment régulière pour construire un motif sur lequel chacun réglera sa conduite avec l’assurance de réussir. Autre règle simple, je ralentis à l’approche d’un véhicule dont la taille ou la vitesse représente par exemple une menace. Ce ralentissement, même subtil, sans être une preuve absolue d’abandon signale mon offre de passage. Ces règles peuvent être tordues et le sont souvent et le seront encore. Mes anticipations peuvent se révéler fausses, mes attentes peuvent être déçues et nous mettre en échec de coordination. Mais dans l’ensemble mes attentes ne peuvent être systématiquement déçues sans gripper l’ensemble. Car si elles l'étaient, aucun ordre social ne serait possible. Il existe tout un champ d’actions qui ne doivent pas décevoir les attentes de ceux qui les anticipent. C’est au prix de cette stabilité, de cette régularité qu’un ordre peut se maintenir et se renforcer.

 

La convention

 

Un groupe humain est constitué de gens mus par une multitudes d'objectifs auxquels correspond une infinité de moyens pour les réaliser. Comment dans ces conditions réussir l’intégration d'une myriade de décisions individuelles en un système qui marche ? Une large part de ces problématiques complexes de coordination requiert pour être résolue l’application locale de règles simples ou de justes conduites dirait Hayek1. L’application de ces règles simples produit de la coordination et ceux qui les pratiquent réussissent de telle sorte que leur application systématique a pour effet de coordonner la réalisation de finalités multiples de gens qui s’ignorent, ne s’aiment pas, ne se connaissent pas et qui, de surcroît, n'ont aucune idée des buts que chacun poursuit. L’application de ces règles qualifie la meilleure façon de se rapporter aux autres parce qu’elle réduit les incertitudes de mon environnement en donnant de mon comportement une lecture prévisible. Ces systèmes supposent par ailleurs des règles de conduite non dictées en surplomb des intérêts individuels, ni données de l’extérieur, ni même et surtout, programmées pour réaliser la convergence des objectifs ou la recherche de leur harmonisation. Partant, chacun continue à faire ce qu’il veut. Plus préoccupés de leur affaire propre que de celles des autres et alors que chacun poursuit son propre but, tous réussissent. Bien sûr, certains effets concrets imprévisibles surgiront et pourront se révéler défavorables ou même collectivement désastreux. Mais les solutions que parviennent à construire, dans le temps et l'espace, des gens laisser libre d'interagir sans entrave, se révèlent plutôt meilleures et vis à vis desquelles aucune alternatives administrées pourraient se révéler plus acceptables.

 

Sans promesse sur l'avenir

 

Le flux autoroutier étant réglé sur la volonté de tous de satisfaire son objectif propre et parce que personne n’aurait intérêt à se vouloir du mal, tous sont garantis de poursuivre leur chemin coute que coute en minimisant ses arrêts et maximisant sa progression. A la multitude des objectifs correspond bien au contraire l’application de règles générales d’action à partir desquelles chacun poursuivra de régler sa conduite sur la conduite des autres de telle sorte que leur mise en œuvre ne menacera aucun objectif particulier. En quelque sorte, je souhaite moins l’échec de ceux avec qui je me rapporte que ma propre victoire. Se faisant, alors que personne n’est a priori disposé à faire une bonne action, le flux apparaît au niveau de l’agrégat que constitue la situation d'encombrement, n’être au contraire qu’une succession de comportements bienveillants. Ces règles marchent parce qu’elles sont réciproques. Elles organisent, dans l’espace et le temps, des régularités qui se déploient en chaîne et qui apportent une chance à chacun de s’y régler pour le bénéfice de tous. L’application de ces règles permet au flux autoroutier de se maintenir parce que leur respect ne déçoit pas les anticipations de ceux avec lesquels ils se rapportent. Si tous peuvent s’attendre à un comportement régulier et prévisible alors chacun saura pouvoir compter sur l’autre sans même se parler, s’aimer ou se connaître et saura m’adresser en retour une invitation à agir pour un bénéficie mutuel ? Cette règle est une promesse de succès, une promesse sur l'avenir et sera sélectionnée parce qu’elle réussit ou parce que ceux qui les ont pratiqués sont sortis gagnants.

 

Ces règles pourront devenir explicites, leur application devenir des lois. Elles seront encouragées, rémunérées, transmises, enseigner. Ce sont des règles qui tentent d’énoncer une série d’actions dont le respect a pour effet de donner naissance à un ordre complexe. Ces règles n’ont pas initialement été inventées formellement, personne ne les a voulues ou même découvertes. Elles permettent de répondre à des situations d’ailleurs trop complexes pour que ces règles puissent avoir été programmées, calculées ou établies à l’avance. En conséquence, la seule façon raisonnable d’agir dans ce contexte d’incertitude est d’adopter une règle générale de conduite qui garantit la réciprocité de l'échange, l’établissement d’un comportement dont le caractère prévisible garantit une relation gagnant/gagnant au-delà de desseins particuliers.

 

 


Friedrich Von Hayek, Droit, législation et liberté -

 

 

 

 

 

 


28/03/2015
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