Votre organisation est-elle Gaston-compatible ?

 

A l'heure des hiérarchies devenues prétendument souples où l'on voudrait que le travail se mute en divertissement, Gaston Lagaffe manifeste des façons de faire, de connaître et d'interagir dont les organisations digitales pourraient tirer bénéfices. Mais sont-elles toujours Gaston-compatibles ?

 

Gaston La Gaffe, vous connaissez ? Côté pile : feignasse de première et sans réel emploi, Lagaffe est un inventeur foireux qui occupe son temps à miner de ses inventions loufoques le futur d'une entreprise acculée à prendre le pli des organisations modernes. Côté face : Gaston et sa mouette, Gaston et ses millier de courriers des lecteurs laissés en souffrance, Gaston et son trombone à coulisses, Gaston et son cactus n'en finissent pas d'opposer aux vertus de la planification, à la rigueur gestionnaire et à l'effort, l'approximation, la dispersion et la paresse. Si Prunelle découvre avec l'aide De Mesmaeker l'obsession du « client », il conserve du travail une conception en revanche parfaitement contreproductive : à vouloir se rallier obstinément le concours d'un collaborateur discipliné et prévisible, il n'exploite pas les facettes d'un comportement qui pourraient pourtant aider ce journal à prendre son virage organisationnel.

Gaston Lagaffe est une figure singulière d'un monde du travail dont les mutations ont eu raison des approches managériales que préservait un environnement stable où dominait encore l’excellence d’une gestion planifiée mise au service d’une consommation de masse. Ce passé est clairement révolu, mais les tragicomédies managériales perdurent.

Aujourd'hui, même s'il paraîtrait audacieux de promouvoir la "bricole" en vertu cardinale d'un nouveau rapport au travail, on devine pourtant tous les bénéfices que les entreprises pourraient tirer si elles savaient accueillir l'innovation et cultiver le foisonnement d'idée, la connectivité et l'autonomie - http://bit.ly/28YNMBA- Car, à l'heure des hiérarchies devenues prétendument souples où l'on voudrait que le travail se mute en divertissement, Gaston La Gaffe exploite des façons de faire, de connaître et d'interagir dont les ressorts seraient de précieux alliés pour transformer nos organisations.

 

Qui recruterait aujourd'hui Gaston Lagaffe ?

 

  • Gaston échoue. Il échoue certes mais ... intelligemment car il échoue vite sans immobiliser durablement des ressources financières qui pourront être investies ailleurs. En échouant vite, il teste en petites séries de nouvelles façons de faire et les livre à la sélection de son environnement.
  • Gaston explore : Il explore démuni de plan d'ensemble. A l'exploitation, il oppose l'exploration. Il ajuste, détourne, réutilise et compose une production originale qui met le "possible" avant le souhaitable d'un business plan. Ses résultats sont loin de correspondre à l'intention première mais Gaston n'en a cure, il reste flexible lorsque son environnement change.
  • Gaston contribue : Il n'apporte pas de solution définitive, il contribue. Il mobilise un écosystème composé de comparses et de complices dans un processus d'expérimentation distribuée, collaborative qui maximise les interactions, multiplie les associations et accroît la diffusion de ses innovations bien au-delà des limites de son entreprise.
  • Gaston ne sait rien : Gaston entretient un rapport distordu avec ce que sont les objets. Ce n'est pas un expert. Il n'a pas de connaissance approfondie de leur fonctionnement intime mais les associe pour tirer parti du produit de leurs interactions. Il prête attention aux individus et à leurs interactions avec les choses plus qu'aux choses elles-même.
  • Gaston se fait du bien : Gaston est acteur et auteur d'un travail préservé de la longue liste de consignes calibrées qui lui ferait perdre le sens ... celui de son travail.
  • Gaston est fainéant : Habitué à en faire le moins possible et à se simplifier la vie, il fait avec une organisation du "peu". Il réutilise et détourne de leurs usages les objets familiers en trouvant en eux des usages nouveaux qu'une approche managériale toute acquise à l'exécution séquentielle aurait écartée. Il met ensemble des objets que personne n'aurait pensé associer.

A l'ère du Digitale, il ne suffit pas d'inonder son organisation de tablettes tactiles ou de RSE dont on espère qu'ils serviront de viatique vers de nouveaux gains de productivité. Le challenge est d'un tout autre niveau et certaines organisations s'y attèlent avec succès. Car pour tirer tout le bénéfice de cette mutation, il s’agit me semble-t-il au contraire d’exacerber l’humain avec l'appui d'une organisation qui sait actualiser le potentiel d'un Gaston LaGaffe. Il s’agit avant tout de dynamiser les comportements collaboratifs en laissant à l'innovation, au foisonnement d'idée et à la connectivité le soin de tracer un voie hybride entre l'autorité hiérarchique et la variété sans cesse renouvelée des coordinations horizontales. La question n'est pas d'opposer l'holacratie au tout bureaucratique mais d'articuler deux modes de coordination de l'action et les règles en la matière sont loin d'avoir été écrites. Pour ce qui relèverait de l'efficience séquentielle et additive, les robots s'en chargeront bientôt.

 

Gaston Lagaffe est un idéal-type que l'on ne rencontre certes jamais. Mais si un tel profil venait à candidater quelle décision prendriez-vous ?

 

Poursuivre la discussion ou lire un de mes post : https://fr.linkedin.com/in/probert1